Ergonomie : la pratique d’un acteur interface, Minel Stéphanie, Olivier Zéphir

Le terme "ergonomie" a été adoptée officiellement lors de la création en 1949 de la première société d'ergonomie, l'ergonomics research society, fondée par des ingénieurs, des physiologistes et des psychologues britanniques pour "adapter le travail à l'homme". L'ergonomie, du grec "ergon" (travail) et "nomos" (loi) est définie par A. Wisner comme "l'ensemble des connaissances scientifiques relatives à l'Homme nécessaire pour concevoir des outils, des machines, des dispositifs qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité et d'efficacité". Le mot ergonomie est pour la majorité des gens un terme générique, qui désigne aussi bien l'amélioration des conditions de travail que le confort d'un manche de sécateur. Ainsi, la matière de l'ergonomie étant l'Homme et son activité, l'ergonomie est appelée à intervenir partout où des humains sont impliqués. C'est pourquoi cette discipline se base sur des notions de physiologie (travail musculaire, régulation des différentes fonctions de l'organisme), de biomécanique (efforts à fournir, confort d'utilisation) et de psychologie du travail. Elle possède des outils méthodologiques pour l'étude de l'activité humaine et pour la réalisation de tests utilisateurs. L'ergonomie de conception peut apparaître comme la garantie d'une construction adaptée, humanisée d'un produit centré sur l'usage offert. Elle permet alors de particulariser le produit par une meilleure compréhension et prise en compte des besoins des utilisateurs.
Nous nous proposons d’aborder la question de la pratique d’ergonomie afin de démontrer qu’elle permet d’envisager l’individu au centre du processus : processus de conception de produit, processus d’ingénierie concourante ou processus de « change management ». Nous exposerons les questions relatives à notre pratique depuis plusieurs années d’ergonome.

Ergonomie de conception, Analyse d’activité, Tests utilisateurs, Organisation, Change management.

L'ergonomie offre la perspective de faire progresser l'adaptation des produits aux exigences des utilisateurs par une appropriation à travers l'usage, et par suite, raison de son succès, d'accroître la satisfaction des consommateurs. Dans notre domaine, l'usage des mots, et par suite des notions, de subjectivité et d'objectivité, sont de notre point de vue, discutables. Il nous semble, en effet, que ce n'est pas l'appréciation de l'utilisateur qui est subjective ; elle est factuelle dès lors qu'elle se manifeste à travers un comportement, d'achat par exemple ; mais que c'est notre interprétation de ces faits qui est chargée de subjectivité, notre subjectivité. La sensation de bien-être ou mal-être existe, pour les utilisateurs. Le tri réalisé lors de sa verbalisation contribue à rendre l'expression de cette sensation incomplète mais elle est ce qu'elle est, dans toute sa vérité et son objectivité. Par contre, l'utilisation qui est en faite dans les enquêtes d'opinion, le codage et décodage du langage, l'attribution d'un sens "durable" au discours d'un instant, la transcription en chiffre de la force des mots, les calculs de moyenne et de régression à travers l'interprétation "des mots", sont des étapes où la subjectivité du regard opère, voire induit un biais. On parle étrangement d'objectivation de données subjectives. On pourrait aussi parler de subjectivation des faits objectifs. Il ne s'agit pas uniquement d'un jeu de langage mais cache peut-être les fondations d'une approche "rationnalisante" de la chose humaine. Il est rassurant de croire, ou de faire croire, que l'on a tout compris de nos concitoyens et que l'on peut prédire leurs comportements futurs. Chaque fois, pourtant, ils nous surprennent par leurs motivations fluctuantes et changeantes, leurs capacités d'apprentissage, par leurs penchants rémanents et leurs souplesses, leurs capacités à inventer de l'usage. L'objectif serait plus à notre sens de penser des outils aidant les ergonomes et les concepteurs à tirer mieux profits de l'existence de ces jugements dans toute leur diversité et vérité sans chercher à les dénaturer. C'est aussi à dire, pour les concepteurs, d'accepter de vivre dans l'incertitude. D'un autre point de vue, la peur de l'incertitude est légitime et le mot objectivation se fait apaisant, camouflant d'autres maux. L'ergonomie apporte un ensemble de connaissances expérimentales, résultats d'observations et d'analyses d'activités humaines, pouvant aider à prévoir ou éviter certains problèmes déjà rencontrés et apporte des méthodes d'observation et d'analyse de problèmes nouveaux pouvant se présenter lors de la familiarisation, l'utilisation et appropriation d'un produit, d’un système ou d’une organisation. Les concepteurs semblent avoir une représentation restreinte de l'ergonomie et de ses apports dans la réalisation de projet (V. Leguay). Il est vrai qu'il est rassurant de croire que l'on connaît suffisamment l'homme pour prédire ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, il n'en est pas moins vrai que chaque recommandation est reliée à un contexte spécifique et peut par conséquent devenir trompeuse dans un autre contexte. Il nous semble difficile d'expliquer ce que peut apporter réellement l'ergonomie, mais nous pensons important de casser les idées reçues comme par exemple le fait qu'en intégrant l'ergonomie tout au long du projet, le produit est forcément bon. Il nous tient aussi à cœur de démystifier le vocabulaire utilisé pour tenter d'expliquer l'apport de l'ergonomie, tel que la prise en compte globale de l'utilisateur. Nous ne pouvons pas tenir compte uniquement de l'utilisateur lorsqu'il s'agit de statuer sur le positionnement d'une commande de réglage. L'ergonome ne doit pas être érigé comme garant d'un bon emplacement de commandes. "Autrement dit, l'insertion ne doit pas se traduire par des contraintes uniquement en direction de l'ergonomie, l'accueil de la dimension ergonomique doit également provoquer une évolution de la conception."(F. Jeffroy)

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